Qu’est- ce que la dysgraphie ?
La dysgraphie est un trouble qui affecte l’écriture et son tracé (du grec dus– difficulté et graphein – écriture). L’écriture manuelle est soit trop lente, soit illisible, soit fatigante, demandant dans tous les cas un effort cognitif majeur. Le plus souvent la dysgraphie est isolée, sans déficit ni neurologique ni intellectuel, en l’absence de troubles psychologiques. Chez un enfant évoluant dans un milieu socio-culturel normalement stimulant et suivant une scolarisation ordinaire. La dysgraphie peut parfois être secondaire à une pathologie neurologique présente dès la naissance ou évolutive.
Elle s’intègre aux autres pathologies dys– auxquelles elle est fréquemment associée (dyslexie, dyspraxie, dysorthographie). La dysgraphie est plus ou moins sévère, mais c’est le plus souvent un trouble durable et persistant.
Pourquoi ?
L’écriture est une activité motrice fine complexe, de construction longue et difficile, dont la maîtrise demande plusieurs années pour tout enfant. Les enfants dysgraphiques sont incapables d’automatiser l’écriture pour en faire un outil rentable pour accéder aux apprentissages. Le plus souvent, chez l’enfant, la dysgraphie est isolée, c’est à dire sans déficit neurologique ou intellectuel associé. Certaines causes sont évoquées pour expliquer cette dysgraphie :
– Immaturité au moment de l’apprentissage
– Mauvaise perception du schéma corporel- problèmes de latéralité non ou mal résolus
– Mauvaise tenue du stylo ou position inadéquate
– Difficulté autre surajoutée : dyslexie-dysorthographie (association très fréquente), dyspraxie, trouble du langage, hyperactivité, précocité.
Mais elle peut également être associée à certaines pathologies, notamment neurologiques : handicap visuel ou auditif, pathologie cérébrale (IMC, tumeur cérébrale, accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien …).
Quels symptômes et quelles conséquences ?
La dysgraphie se traduit par des anomalies de la conduite du trait dans l’écriture, entraînant des difficultés de coordination, des irrégularités d’espacements entre les lettres et les mots, et des malformations des lettres. L’écriture est lente et difficilement lisible. Plusieurs sortes de dysgraphies sont communément distinguées:
– Les dysgraphies raides : il existe une tension et une crispation lors de l’écriture rendant le trait tendu et hypertonique;
– Les dysgraphies molles : le tracé est relâché avec une irrégularité dans la dimension des lettres donnant une impression de négligence;
– Les dysgraphies lentes et précises : le graphisme est très appliqué avec un excès de structure et de précision maintenu au prix d’un effort épuisant;
– Les dysgraphies impulsives : le geste est rapide, avec un mauvais contrôle, entraînant une perte de toute structure et d’organisation.
Lorsque l’enfant écrit, même s’il finit par le faire de manière relativement satisfaisante, c’est au prix de beaucoup d’efforts, de contrôle et d’attention. Son attention est focalisée sur l’écriture, aux dépens des activités d’apprentissages (comprendre, mémoriser, déduire, faire des liens, …) qui sont pourtant l’essentiel des objectifs scolaires (situations de « double-tâche »).
Le vrai problème n’est pas que l’enfant écrive mal mais c’est que son écriture n’est pas automatisée et nécessite un effort attentionnel massif. La dysgraphie est dans la plupart des cas un trouble sévère, durable et persistant.
Quelques chiffres
La fréquence de la dysgraphie est évaluée à environ 10% des enfants d’âge scolaire. Elle touche en majorité les garçons. Les dysgraphies sévères sont dépistées dès l’école maternelle (surtout si elles s’associent à une dyspraxie).
Traitement
Lorsque qu’une dysgraphie est suspectée, un bilan orthophonique est en général réalisé. Un bilan pluridisciplinaire plus large (neuropédiatrique, neuropsychologique, psychologique, psychomoteur…) est le plus souvent nécessaire afin de confirmer la spécificité des troubles, d’en évaluer la gravité et de dépister une pathologie associée : dyslexie, dyspraxie ou pathologie neurologique.
Dans les cas de dysgraphie peu sévère, une rééducation peut-être menée, le plus souvent par un orthophoniste, un psychomotricien ou un ergothérapeute. Un premier bilan du langage écrit sera effectué.
Il comporte :
Un examen de l’écriture,
Un examen de la motricité graphique en cours d’écriture,
Un test de vitesse d’écriture,
Un calcul de l’âge graphomoteur
Et une classification de la dysgraphie.
Puis la rééducation va consister en une série de techniques de relaxation gestuelles et d’exercices graphiques ludiques, adaptés à l’âge de l’enfant. Le travail va s’effectuer sur la décontraction du geste, la posture, la tenue du stylo, la forme des lettres et la motricité fine. Seuls les enfants ayant un trouble peu sévère pourront répondre à la rééducation. Les séances seront en général hebdomadaires.
Conséquences sur la vie scolaire
Les enfants dysgraphiques peuvent présenter des signes précurseurs dès la maternelle, mais ce n’est que vers 7-8 ans que les enseignants constatent que l’écriture manuelle est difficile et pose un problème.
Au niveau de la scolarité, l’enfant dysgraphique est très handicapé par l’inefficacité de son geste qui le rend trop lent. Les plus lents et précis sont incapables d’accélérer, alors que les autres deviennent illisibles. En effet, soit ils essaient de suivre le rythme et sont alors illisibles et dysorthographiques, soit ils essaient de bien écrire et ils sont alors très lents. Ce trouble les empêche de suivre le rythme de leurs camarades de classes et de se concentrer sur les apprentissages.
Ces problèmes d’écriture peuvent entraîner chez l’enfant des troubles du comportement et une perte de confiance en lui, aboutissant à l’échec scolaire. Les efforts fournis sont souvent vains et entraînent un découragement.
Quand faire attention ?
Les signes devant alerter :
- Difficulté de lisibilité,
- Difficultés scolaires, trop d’efforts fournis pour écrire, crispations, crampes et fatigue lors de l’écriture,
- Manque de soin dans les cahiers,
- Écriture trop rapide ou trop lente,
- Anxiété lors de l’écriture,
- Dégradation de l’écriture au fur et à mesure de la tâche,
- Mauvaise tenue du stylo,
- Mauvaise position sur la chaise,
- Feuille mal positionnée.
Il faut être vigilant au fait que certains enfants vont améliorer leur écriture qui sera plus lisible et plus rapide mais en y injectant un effort attentionnel majeur. L’enfant va être focalisé sur ses efforts d’écriture au dépend de l’écoute, de la compréhension, du raisonnement, de la mémorisation. Trop concentré sur ses efforts d’écriture, il est alors incapable d’effectuer une « double tâche ». L’énergie cognitive dépensée pour l’écriture n’est pas disponible pour une autre tâche et fatigue l’enfant. Ces enfants vont progressivement être en échec scolaire malgré leurs progrès graphiques. Ce sont ces enfants qui sont les plus difficiles à dépister. Il faut être vigilant à ne pas valoriser l’écriture aux dépens des apprentissages, à ne pas privilégier la forme au dépend du fond.
Une dyslexie-dysorthographie ou une dyspraxie doivent être dépistée, la dysgraphie étant alors secondaire.
Comment améliorer la vie scolaire des enfants malades ?
Les enfants dysgraphiques peuvent bénéficier d’aménagements scolaires à la fois dans leur scolarité quotidienne et pour la passation des contrôles et des examens (Tiers temps supplémentaire pour les examens…). Un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) peut être élaboré permettant la mise en place
D’aménagements de la scolarité (prise en charge sur le temps scolaire), D’aménagements pédagogiques (allègement scolaire, photocopies de cours), l’attribution de matériel adapté (ordinateur…)
Et l’obtention de tiers temps supplémentaire. Dans certains cas, si les aménagements nécessaires sont moins importants, un Projet d’Accueil Individualisé (PAI) avec le médecin scolaire, les parents et l’enseignant pourra être élaboré.
La qualité de la production graphique doit être privilégiée par rapport à la quantité. Il est important de remotiver l’enfant et de le valoriser pour qu’il reprenne confiance en lui. Il ne suffira pas que l’enfant s’applique ou s’entraîne plus pour y arriver, et ce en dépit de progrès manifestes.
Certaines adaptations des outils scripteurs et du plan de travail peuvent être utiles. On peut pour certains enfants éviter les exercices de copie et fournir des photocopies. L’imposition de l’écriture manuelle peut être délétère chez ces enfants et il faut assez tôt s’en libérer pour se consacrer à l’acquisition des connaissances. Le handicap peut être compensé par l’utilisation d’un ordinateur qui peut être proposé assez tôt lorsque la dysgraphie est sévère ou s’intègre dans un trouble praxique ou neuromoteur. L’apprentissage doit se faire selon des techniques spécifiquement adaptées aux très jeunes enfants au cours de séances d’ergothérapie. Le recours à l’ordinateur sera privilégié s’il faut écrire vite ou s’il faut écrire et effectuer de façon concomitante une autre tâche (réfléchir à l’orthographe, comprendre, analyser…). L’écriture manuelle peut être maintenue pour certains exercices ne nécessitant pas d’apprentissage concomitant. L’apprentissage du « clavier caché » est utile pour les enfants ayant des difficultés visuo-perceptives importantes : on supprime le contrôle visuel du clavier (le contrôle est uniquement spatial et tactile).
L’avenir
La précocité de la reconnaissance d’une écriture non scolairement rentable, la régularité d’un suivi spécifique et la mise en place de mesures pédagogiques adaptées permettent aux enfants dysgraphiques d’éviter l’échec scolaire et de suivre un cursus scolaire normal, sans compromettre leur insertion sociale et professionnelle. L’enjeu est donc de dépister ces élèves pour que la prise en charge soit optimale.